L’effet néfaste du label HP

Il peut être nuisible d’étiqueter le haut potentiel intellectuel (HPI) via une approche catégorielle. Cette approche associe souvent le HPI à des termes tels que « fonctionnement psychologique différent », « caractéristiques qualitatives spécifiques », ou encore « personnes neuroatypiques ». Cela favorise chez une part des personnes un sentiment de différence. Pour celles que l’on retrouve en consultation, cela contribue généralement à augmenter leur mal être.

Cette notion qualitative du HPI semble surtout cristalliser ces croyances infondées. En augmentant les distorsions cognitives (biais cognitifs), ces croyances affectent la représentation du monde des personnes, et, par un effet de circularité, leur relation aux autres. Par conséquent, cela peut encore accentuer la sensation de décalage, d’incompréhension et de rejet que ceux-ci peuvent éprouver, et les pousser dans des choix de vie qui ont de lourdes conséquences…

En effet, si cette étiquette semble à court terme atténuer les souffrances de certains, elle ne fait qu’entretenir le problème. Il s’agira donc de la dépasser, si on veut réaliser un changement.

Même s’il semble que certains attributs se dégagent avec le QI (efficacité et rapidité de la cognition, meilleures facultés d’apprentissage et mise en lien de l’information, précocité du raisonnement moral), et ce, en terme de degré (notion de quantitatif), ils sont toujours en lien avec les hautes capacités intellectuelles. En aucun cas, ils ne sont directement corrélés à la sphère affective/émotionnelle, sociale ou à des traits de personnalité, ou encore, à une structuration globalement distincte du cerveau.

Chaque personne est unique. Elle est le fruit de la combinaison de capacités innées et acquises, ainsi que du contexte interne (motivation, personnalité, etc) et externe (environnement, etc) dans lequel elle se situe. En outre, elle est en perpétuel développement.

La frontière entre un thérapeute et un gourou est mince. Ce n’est que par un travail thérapeutique déjouant ces étiquettes que chacun pourra changer ses perceptions, son regard sur le monde, et, par là, ses comportements, dans le but de retrouver ses aptitudes d’adaptation. C’est comme cela que je conçois toute l’expertise d’un thérapeute spécialisé dans le haut potentiel intellectuel.

Le HP en mode psychanalytique

Suite à ma formation en thérapie systémique et stratégique à l’Institut Gregory Bateson, je comprends mieux les différences entre les courants de la psychologie clinique et j’en mesure plus précisément leur portée. Cette lumière m’apporte une nouvelle perspective sur le combat à l’œuvre dans le domaine du haut potentiel intellectuel.

Révoltée par les mythes propagés à outrance sur le sujet, je suis maintenant plus « sereine » de constater que les pseudo-vérités énoncées par les livres grands public ont été construites sur le même principe que la psychanalyse: les auteurs prenant simplement racine dans cette vision du monde qui est la leur.

En effet, basées sur des interprétations hypothétiques de cas cliniques (c’est-à-dire leur patientèle), ces croyances sur le HP ont été, sans aucune validation scientifique, généralisées en théorie, avec des traits de personnalité immuables au devant de la scène. Se basant sur un modèle normatif, ces traits qualitatifs inférés forment une étiquette (un diagnostic) avec un mode de fonctionnement distinct. Et, bien sûr, seul un expert (le psychanalyste) est garant du normal et du pathologique, et peut donc déterminer si son patient en fait partie ou s’il ressort plutôt des autres, qualifiés quant à eux par certains, de normo-pensants.
C’est avec ce type de pensée dichotomique que l’homme blanc européen a colonisé le monde, s’imposant comme LA référence!

De telles théories devraient être bien obsolètes… Mais le grand public est malheureusement loin de connaître l’ampleur du développement de la psychologie, Erickson et le Mental Research Institute de Palo Alto, ayant depuis lors introduit une notion constructiviste dans leur approche. Celle-ci semble pourtant toujours tellement avant-gardiste !
Il aura fallu attendre le milieu du siècle précédant et la fin de la guerre pour se libérer de ces visions normatives et primitives de la pensée.

Sommes-nous cependant tous prêts à changer d’angle de vue en ouvrant les yeux sur ces croyances infondées qui nous emprisonnent?
Il est nombre de gens qui « préfèrent des mensonges qui les rassurent aux vérités qui les dérangent » (Michel Onfray).

Nous sommes tous différents! Et c’est dans la confrontation à cette différence, par de multiples ajustements, que nous évoluons et que les changements s’opèrent…

Mode d’emploi pour détourner la notion de haut potentiel et créer un neuromythe qui rapporte

1. Inventer une pathologie en énonçant que le HP est un fonctionnement qualitativement différent qui n’amène que des difficultés et des échecs.

2. Décrire des traits spécifiques, des caractéristiques qualitatives distinctives, qui le définissent, en prenant des caractéristiques qui font que tout le monde s’y reconnaît, et se faisant, créer une demande pour alimenter son affaire.

3. Valider ses dires par des témoignages et des interprétations fausses d’études scientifiques ou par des études pour lesquelles il y a un biais d’échantillon.

4. Décourager les gens à se confronter aux faits réels (par une évaluation intellectuelle) pour ne pas que ceux-ci se rendent compte de la supercherie ou carrément discréditer ces tests.

5. Faire croire qu’on est les seuls à pouvoir les comprendre et les soigner.

6. Diffuser cela en masse via les médias en se faisant passer pour des experts pour créer une croyance.

7. Surtout ne jamais reconnaître ses erreurs et persévérer dans ses dires.

8. Former des professionnels ou autres, et donner des conférences, pour entretenir cette croyance.

9. Se faire plein d’argent sur la crédulité des gens parce qu’il est bien plus confortable de se faire apposer une étiquette d’HP que de se confronter à ses réelles difficultés.

Cqfd!

L’Intelligence Day de Mensa Be

Magnifiques interventions de Ghislaine LABOURET et de Patrick SANTILLI hier à l’Intelligence Day, qui nous ont démontré, sources à l’appui, que les personnes à Haut QI n’ont pas un cerveau radicalement différent des autres et ne sont pas sujets à davantage d’insatisfaction scolaire ou à un risque plus important d’échec scolaire.
Merci à Mensa Be pour ces conférences d’une très grande qualité.

Même s’il n’existe pas encore de consensus sur la définition du haut potentiel intellectuel, principalement parce que les tests qui permettent sa mesure ne possèdent pas tous les mêmes normes, les pseudo-vérités énoncées par les livres grands publics et véhiculées par les médias sont clairement invalidées par les études scientifiques.

Il est maintenant important que chaque personne qui se sente en difficulté (émotionnelle, scolaire/professionnelle, sociale,…) découvre la véritable source de son problème, au lieu de se cacher derrière cette fausse étiquette catégorisante et victimisante.

Il s’agit à tous de trouver son potentiel à réaliser (intellectuel ou autre) et de développer son talent, pour prendre sa place dans le monde et ajouter sa pierre à l’édifice, afin de l’élever plus haut.