Conférence de J. Grégoire pour Mensa Be : « Intelligence et émotions »

Ce mercredi, Mensa Be et Mensa Youth Be nous proposaient un invité de réputation internationale : Jacques Grégoire, Docteur en Psychologie et Professeur à la faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation de l’UCL, pour une conférence intitulée « Intelligence et émotions : des concepts compatibles ?« 

Partant de la vision dichotomique de Descartes entre corps et esprit, le Pr Grégoire a parcouru l’historique des liens entre intelligence et émotions pour arriver au concept de compétences émotionnelles. Les émotions ne sont pas tant un facteur de l’intelligence, mais peuvent plutôt tenir le rôle de facilitateur de l’intelligence lorsqu’elles sont « éduquées », à l’instar d’un modulateur dans les modèles développementaux de l’intelligence.

Pour visionner cette conférence, un lien est disponible pour tous :

Merci à Jacques Grégoire pour la grande qualité de son intervention, ainsi qu’à Mensa Be de nous offrir une conférence par mois, disponible sur sa chaine YouTube publique : https://www.youtube.com/c/MensaBe-official/videos.

Description officielle de l’évènement :

Le Pr Jacques Grégoire nous parle du lien entre intelligence et émotions, des modèles de ces dernières, de leurs mesures et des possibilités de les travailler.

Influencées par une conception dichotomique du corps et de l’esprit, les théories de l’intelligence ont longtemps fait l’impasse sur les émotions. Lorsqu’elles étaient prises en compte, les émotions étaient généralement vues comme perturbatrices d’un fonctionnement intellectuel efficace. Ce n’est que très progressivement que le rôle positif et adaptatif des émotions a été envisagé.
De l’intelligence émotionnelle aux compétences émotionnelles, en passant par des outils de mesure avec une fiabilité parfois décevante et des possibilités éducatives des compétences émotionnelles, le Pr Grégoire nous aidera à mieux comprendre ce que la rigueur scientifique peut en dire aujourd’hui et l’intérêt de compléter les mesures traditionnelles de l’intelligence avec des mesures fiables des compétences émotionnelles.

Jacques Grégoire est Docteur en psychologie et Professeur à l’Université de Louvain. Ses cours et ses recherches portent sur la mesure et l’évaluation des apprentissages, le diagnostic de l’intelligence et des troubles d’apprentissage et les méthodes de l’examen psychologique. Auteur ou coauteur de nombreux articles et ouvrages, il a également assuré la responsabilité scientifique de l’adaptation française de différentes échelles de Wechsler (les plus utilisées pour l’évaluation de l’intelligence) et de plusieurs autres tests. Il a été Président de l’International Test Commission de 2006 à 2008. Il est actuellement vice-recteur du secteur des sciences humaines de l’Université de Louvain, à Louvain-la-Neuve.

Quelques articles pour aller plus loin :
• BRASSEUR S., GRÉGOIRE J., (2018). Les jeunes à haut potentiel sont-ils hyperémotifs ? A.N.A.E., 154, 289-297.
• KOTSOU, I., MIKOLAJCZAK, M., HEEREN, A., J. GRÉGOIRE & LEYS, C. (2018). Improving Emotional Intelligence: A Systematic Review of Existing Work and Future Challenges. Emotion Review, 10, 1-15.
• BRASSEUR S., GRÉGOIRE J., BOURDU R. , MIKOLAJCZAK M. (2013). The Profile of Emotional Competence (PEC): Development and validation of a self-reported measure that fits dimensions of Emotional Competence theory. PLoS One, 8(5): e62635. doi:10.1371/journal.pone.0062635.

Le côté obscur du QI

Le QI est un sujet régulièrement abordé par les réseaux sociaux et par la presse, tel un bon marronnier. Mais savez-vous qu’il peut être instrumentalisé par l’extrême droite ?

En effet, on peut parfois lire que certaines populations ont un QI plus faible du fait de différences génétiques. Et que l’immigration, ainsi qu’une surnatalité de ces populations, entraînerait alors une diminution du niveau de QI dans les pays occidentaux.

Comment les données issues des études scientifiques sont-elles détournées pour valoriser une mouvance eugéniste encourageant des idéologies racialistes, telles que celles adoptées par le régime nazi?

La fiabilité des études qui comparent les QI nationaux

L’intelligence représente une propriété collective de l’ensemble du système cognitif. De plus, elle est composée d’aptitudes tant innées qu’acquises, et est en perpétuel développement, selon les conditions de vie dans lesquelles une personne se situe. Cependant, l’intelligence étant un concept, elle n’est pas appréhendable telle qu’elle. C’est le QI, lui étant bien réel, qui permet d’estimer l’intelligence

En effet, un score de QI reflète quant à lui la probabilité d’un sujet d’agir avec intelligence. Il s’agit d’une prédiction statistique calculée sur base de résultats à un test constitué d’un ensemble d’épreuves. On obtient cette mesure en comparant les performances de la personne à celles obtenues par un échantillon représentatif de la population, un étalon de référence, et ce, dans des conditions identiques, selon des procédures standardisées. Le QI étant affecté par de multiples facteurs, la plupart des tests sont adaptés à la culture locale dans chaque pays et mis à jour régulièrement. Les scores obtenus dans un pays ne sont donc pas comparables à ceux obtenus dans un autre pays, puisque ces versions « locales » ne sont pas identiques.

Si les données ne sont pas comparables, comment peut-on alors conclure à une différence de QI entre races humaines ? En se basant sur une étude qui a mélangé des mesures non comparables entre elles et dont la fiabilité est douteuse.

Dans son article « la carte mondiale des QI » , Franck Ramus, chercheur en sciences cognitives, dénonce les procédures de l’étude aboutissant à cette conclusion.
Tout d’abord, les chercheurs ont utilisé des tests supposés « culturellement neutres ». Toutefois, il semble que certaines cultures soient tout de même avantagées par des concepts ou la familiarité avec certains symboles. Cette neutralité est donc à remettre en question.
De plus, ces chercheurs ont mélangé les données de ces tests « culturellement neutres » à celles recueillies suite à l’administration d’autres tests, incluant la mesure d’aspects différents de l’intelligence.
Et enfin, pour les pays pour lesquels ils n’avaient aucunes données, ils ont extrapolé les résultats sur base de pays voisins!
Les conclusions qu’ils en tirent sont donc en réalité fort approximatives.

Par conséquent, les mesures provenant d’un test de QI ne pourront jamais être comparées à celles recueillies par un autre test. Même en utilisant des tests de QI tels que les tests « culture fair » réputés pour leur neutralité, on peut présumer une influence de la culture.

L’évolution du QI dans les pays occidentaux

En 1984, James Flynn observe une élévation du niveau de QI moyen des échantillons de référence lors d’un réétalonnage d’un même test, en comparant les données précédentes avec celles de sa version réactualisée.
Suite à de multiples études, il conclut à une augmentation régulière du niveau d’intelligence générale de la population des pays industrialisés d’environ 0,30 points par an depuis les années 1950. C’est ce qu’on appelle l’effet Flynn.

Selon Jacques Grégoire, Docteur en psychologie et Professeur à l’Université de Louvain, cet effet se manifeste dans nos pays occidentaux en raison de différents facteurs combinés.
Un premier facteur s’avère être le niveau d’éducation de la population, la scolarisation constituant un facteur majeur du développement de l’intelligence de l’enfant.
L’amélioration des conditions bio-environnementales constitue un second facteur, car la nutrition infantile et la prévention des maladies infectieuses influencent l’état de santé global.
Enfin, on note également une augmentation des aptitudes intellectuelles par une plus grande place des technologies dans la vie quotidienne, celles-ci nous obligeant à assimiler de nouvelles procédures qui reposent sur l’apprentissage de représentations symboliques.

un consensus scientifique existe d’ailleurs sur le fait que les QI nationaux sont influencés par des facteurs environnementaux. En aucun cas, on ne peut conclure à une différence de QI entre les peuples qui serait d’origine génétique

Depuis quelques années, certaines études montrent une inversion de l’effet Flynn (effet Flynn négatif) qui signifierait un déclin du niveau de QI dans les pays plus développés. Chacun y va de son hypothèse : on rapporte une détérioration de la qualité de l’enseignement, de l’alimentation, du support familial dans l’éducation… mais aussi l’immigration, ainsi que la “fertilité dysgénique” (c’est-à-dire une dégradation du patrimoine génétique par une surnatalité des personnes à faible niveau intellectuel).

Pour ceux qui revendiquent une différence de QI entre races, il est simple de faire suivre ces conclusions par d’autres, tout aussi discutables : le niveau de QI des pays occidentaux diminuerait en raison du brassage génétique des peuples.

Or, il semble d’emblée impossible de pouvoir établir qu’un phénomène est “durable” sur une si courte période ! En outre, on peut à nouveau voir que les études qui concluent à un effet Flynn négatif ont utilisé des mesures qui proviennent de tests différents… 

Avec la parution de la WISC-V, de nouvelles données ont vu le jour, qui permettent d’infirmer cet effet Flynn négatif. Tout récemment, une étude de Gonthier, Grégoire et Besançon (2021) a mis en évidence que l’intelligence des Français n’a PAS baissé entre 1999 et 2019, si ce n’est aux épreuves d’intelligence cristallisée, mais ce, par un effet de biais des mesures. Dans les nouvelles batteries, l’effet Flynn serait en fait sous-estimé, du fait de l’augmentation du niveau de difficulté des nouvelles épreuves. Cela ne constitue cependant en aucun cas un effet Flynn négatif. Dans sa conclusion, l’étude propose d’ailleurs plusieurs recommandations à garder à l’esprit lors de l’interprétation des résultats, lorsque les tests d’intelligence sont administrés à des sujets de cultures différentes.

Conclusion

Comme dans tout domaine, il est malheureusement simple de détourner des données scientifiques pour valoriser des idéologies qui prônent des différences entre races humaines.

Toutefois, aucune de ces théories mettant le QI au service de l’extrême droite par des différences génétiques de niveau intellectuel entre populations, ne tient réellement la route scientifiquement !

D’ailleurs, les tests de QI ne sont en aucun cas des outils appropriés pour comparer des peuples entre eux, les mesures recueillies n’étant pas comparables d’une culture à l’autre.

D’autre part, l’élévation du QI dans les pays occidentaux objectivée par l’effet Flynn lors de la réactualisation d’un test, est due à l’influence de facteurs contextuels (éducation, nutrition,…). Par conséquent, sa cause est principalement environnementale et non biologique.

Tel que le modélisent les théories actuelles de l’intelligence, les données scientifiques permettent de confirmer que c’est bien au niveau individuel et non d’un peuple entier, que gènes et environnement interagissent ENSEMBLE, dans le développement de l’intelligence : la qualité de l’environnement permet de faire éclore un potentiel génétique individuel biologiquement déterminé.

Notre belle intelligence est donc un phénomène bien complexe qui ne finira pas de si tôt de faire parler de lui ! 

Bibliographie

Gonthier, C., Grégoire, J., & Besançon, M. (2021). Pas d’effet Flynn négatif en France : pourquoi les variations d’intelligence ne doivent pas être évaluées à l’aide de tests basés sur des connaissances culturelles. Elsevier.

Grégoire, J. (2019). L’examen clinique de l’intelligence de l’enfant : Fondements et pratique du WISC-V. Bruxelles : Mardaga.

Ramus, F. (2019). La carte mondiale des QI – explications complètes. Ramus méninges. Pour la science blogs.

Conférence : Le Haut Potentiel existe-t-il?

Je vous avais annoncé que la prochaine édition de ma conférence serait enregistrée… et bien, c’est chose faite !

Voici donc la vidéo du « Live » de la conférence privée de ce dimanche 29/11/2020 pour Mensa Montréal.

Synopsis :
Dans cette ère qui prône l’individualisme, l’affirmation de soi, la reconnaissance des droits de l’enfant et les besoins éducatifs spécifiques, le haut potentiel s’inscrit comme une évidence et devient un effet de mode. Une large population revendique maintenant être « haut potentiel ».
Qu’en est-il exactement ?
Qu’est-ce que l’intelligence et comment la mesure-t-on ?
Ce concept de haut potentiel représente-t-il une réalité ?
Ce sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre…

Liens sur la chaîne YouTube publique de Mensa Be :
Lien partie 1 : https://youtu.be/Y8BmNTLliNQ
Lien partie 2 : https://youtu.be/cYhPdZYyXUQ

N’hésitez pas à partager massivement ! 😉

Le haut potentiel, un handicap scolaire?

A l’heure actuelle, il semble que la Fédération Wallonie-Bruxelles éprouve toujours des difficultés à se défaire des légendes sur le HP, ces « neurofoutaises », inventées par certains praticiens, des experts autoproclamés, et encore massivement diffusées par les médias, au plus grand dam de la communauté scientifique.

Ainsi, on peut notamment lire sur le site enseignement.be : « Il est admis qu’un élève à hauts potentiels sur trois est en échec scolaire ». Cette affirmation permet de justifier leur position, alors qu’il a été démontré scientifiquement que cette hypothèse était tout à fait erronée. (cf « La pseudoscience des surdoués », Franck Ramus et Nicolas Gauvrit)

Si on prend les fameuses caractéristiques qualitatives (arborescence de la pensée, hypersensibilité, perfectionnisme, inadaptation sociale,…) comme critères d’identification d’un haut potentiel, cela conduit effectivement à des erreurs et on se voit qualifier de haut potentiel la majorité des enfants ayant des difficultés de tout ordre (cognitif, émotionnel, social).

Au contraire, il a pu être démontré que la notion de haut potentiel renvoie plutôt à de meilleures aptitudes cognitives (rapidité et efficacité de la cognition, meilleure mise en lien de l’information) et, par conséquent, à de meilleures facultés d’apprentissage, objectivables par l’administration d’un test de QI standardisé.

Malheureusement, les idées reçues sur le haut potentiel s’invitent partout, jusqu’aux institutions les plus réputées

En effet, quelle ne fût pas ma surprise de trouver, dans une « demande d’aménagements raisonnables » pour les élèves à besoins spécifiques/en situation de handicap, le haut potentiel au beau milieu de troubles (troubles « dys », TDA/H, troubles auditifs et visuels), avec comme options à cocher, une liste de symptômes tels que :

  • Difficultés liées au langage, à la lecture, l’écriture ou l’orthographe
  • Difficultés visuo-spatiales ou motrices
  • Difficultés d’attention et/ou concentration, fatigabilité, difficulté d’organisation
  • Difficultés sensorielles visuelles ou auditives
  • Difficultés à gérer le stress, un horaires et des délais
  • Difficultés à établir des contacts interpersonnels
  • Aptitude limitée à tolérer les bruits et les foules
  • Risque de malaise, d’absences fréquentes,…

Ainsi que cette proposition de choix comme seules possibilités d’aménagements :

  • Allègement de l’année,
  • Absences ponctuelles justifiées,
  • Tolérance orthographique,
  • Tiers-temps complémentaire aux examens,
  • Modification des modalités de l’examen (support, isolement, sorties autorisées,…)

Ces demandes d’aménagements pédagogiques spécifiques semblent bien instrumentalisées dans une cause qui ne peut qu’aboutir à la victimisation de ces enfants, malgré eux.

Où est donc passée la notion d’accélération (saut de classe, compactage) pourtant bénéfique pour aider les jeunes à haut potentiel à développer des stratégies d’apprentissage en les mobilisant dans des défis à leur hauteur?
Ou encore celle d’enrichissement (c’est-à-dire l’ajout de nouveaux apprentissages, sans rapport avec le programme), qui leur permet de nourrir leur insatiable curiosité intellectuelle?

Combien de jeunes va-t-il encore falloir sacrifier, d’ici à ce que la vérité sur cette grande arnaque HP éclate enfin?

Ma conférence s’exporte !

Ce dimanche, j’aurai l’honneur de présenter ma conférence « Le haut potentiel existe-t-il? » à nos voisins français. Et une édition est également prévue pour le Canada dans la foulée !

Actuellement, elle ne se donne encore qu’en comité restreint, sur invitation privée. Mais un enregistrement vidéo ne devrait pas tarder pour tous les intéressés qui l’ont manquée…

Stay tuned !

Bientôt publiée…

C’est avec beaucoup d’émotion que je vous annonce ma participation à un ouvrage collectif sur le haut potentiel au côté de 46 auteurs parmi les plus grands de ce domaine.

Ce livre, à destination des étudiants et des professionnels, s’annonce être un ouvrage de référence complet sur le sujet.

Dans ce cadre, mon chapitre développera l’approche systémique stratégique dans le travail thérapeutique autour de la notion du haut potentiel.

Je remercie Nathalie Clobert et Nicolas Gauvrit de m’avoir permis de participer à cette belle aventure.

Bientôt la parution de l’ouvrage chez l’éditeur De Boeck :

Pour en savoir plus : https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807328150-psychologie-du-haut-potentiel

La coloration HP, un concept dilué

Un diagnostic va permettre de mettre en place des mesures spécifiques : des adaptations de l’environnement et des traitements. Il est donc demandé au système de s’adapter. 

Le revers est par contre la stigmatisation (notion de « patient désigné ») : le diagnostic va induire un changement de perception que le système a de la personne, ainsi que celle que la personne a d’elle-même.

En outre, on va induire une nouvelle croyance, en partant du principe que cette croyance est plus bénéfique que la précédente. On travaille sur la vision du monde des patients et de son environnement.

Le risque est de confronter directement les croyances des personnes, ce qui aura pour conséquences de les cristalliser (ce sont les résistances), et donc de figer leur fonctionnement.

Cette manière d’analyser les fonctionnements constitue le fondement de toute la psychiatrie classique (et même au-delà), le bilan psychologique étant l’outil qui permettra de comprendre comment la personne fonctionne, et surtout, dysfonctionne. Cela part du principe que les comportements sont fixes, du fait qu’ils découlent de traits de personnalité.

Identifier un HP chez des gens, même si on dilue sa prise de position théorique par des termes tels que « le HP colore des troubles associés », va nécessairement dans le sens d’un diagnostic. Cela revient à « faire rentrer par la fenêtre, le diable qu’on a fait sortir par la porte ».

Alors que d’autres approches, telles que celle d’Erickson et du modèle de Palo Alto, qui travaillent directement sur les comportements en ne se positionnant jamais par rapport à leur vision du monde, seront beaucoup plus porteur de changement. Le thérapeute ne cherchera pas à induire de nouvelles croyances (avoir raison), puisque la norme n’existe pas (notion de constructivisme: chacun a une vision du monde qui lui est propre).

Ce type d’approche sous-tend que les comportements ne sont pas fixes et dépendent de la situation dans laquelle la personne se trouve, du contexte.

On proposera un nouveau mode de fonctionnement par l’expérimentation de nouveaux comportements, qui vont directement découler de la manière dont la personne va amener son problème et des comportements qu’elle met habituellement en place pour solutionner son problème. Ce nouveau comportement est l’expérience émotionnelle correctrice. Elle peut être réalisée en séance, par un recadrage, ou hors séance, par des tâches.

Les hautes capacités intellectuelles deviennent alors une ressource au service du changement.

L’effet néfaste du label HP

Il peut être nuisible d’étiqueter le haut potentiel intellectuel (HPI) via une approche catégorielle. Cette approche associe souvent le HPI à des termes tels que « fonctionnement psychologique différent », « caractéristiques qualitatives spécifiques », ou encore « personnes neuroatypiques ». Cela favorise chez une part des personnes un sentiment de différence. Pour celles que l’on retrouve en consultation, cela contribue généralement à augmenter leur mal être.

Cette notion qualitative du HPI semble surtout cristalliser ces croyances infondées. En augmentant les distorsions cognitives (biais cognitifs), ces croyances affectent la représentation du monde des personnes, et, par un effet de circularité, leur relation aux autres. Par conséquent, cela peut encore accentuer la sensation de décalage, d’incompréhension et de rejet que ceux-ci peuvent éprouver, et les pousser dans des choix de vie qui ont de lourdes conséquences…

En effet, si cette étiquette semble à court terme atténuer les souffrances de certains, elle ne fait qu’entretenir le problème. Il s’agira donc de la dépasser, si on veut réaliser un changement.

Même s’il semble que certains attributs se dégagent avec le QI (efficacité et rapidité de la cognition, meilleures facultés d’apprentissage et mise en lien de l’information, précocité du raisonnement moral), et ce, en terme de degré (notion de quantitatif), ils sont toujours en lien avec les hautes capacités intellectuelles. En aucun cas, ils ne sont directement corrélés à la sphère affective/émotionnelle, sociale ou à des traits de personnalité, ou encore, à une structuration globalement distincte du cerveau.

Chaque personne est unique. Elle est le fruit de la combinaison de capacités innées et acquises, ainsi que du contexte interne (motivation, personnalité, etc) et externe (environnement, etc) dans lequel elle se situe. En outre, elle est en perpétuel développement.

La frontière entre un thérapeute et un gourou est mince. Ce n’est que par un travail thérapeutique déjouant ces étiquettes que chacun pourra changer ses perceptions, son regard sur le monde, et, par là, ses comportements, dans le but de retrouver ses aptitudes d’adaptation. C’est comme cela que je conçois toute l’expertise d’un thérapeute spécialisé dans le haut potentiel intellectuel.

Le HP en mode psychanalytique

Suite à ma formation en thérapie systémique et stratégique à l’Institut Gregory Bateson, je comprends mieux les différences entre les courants de la psychologie clinique et j’en mesure plus précisément leur portée. Cette lumière m’apporte une nouvelle perspective sur le combat à l’œuvre dans le domaine du haut potentiel intellectuel.

Révoltée par les mythes propagés à outrance sur le sujet, je suis maintenant plus « sereine » de constater que les pseudo-vérités énoncées par les livres grands public ont été construites sur le même principe que la psychanalyse: les auteurs prenant simplement racine dans cette vision du monde qui est la leur.

En effet, basées sur des interprétations hypothétiques de cas cliniques (c’est-à-dire leur patientèle), ces croyances sur le HP ont été, sans aucune validation scientifique, généralisées en théorie, avec des traits de personnalité immuables au devant de la scène. Se basant sur un modèle normatif, ces traits qualitatifs inférés forment une étiquette (un diagnostic) avec un mode de fonctionnement distinct. Et, bien sûr, seul un expert (le psychanalyste) est garant du normal et du pathologique, et peut donc déterminer si son patient en fait partie ou s’il ressort plutôt des autres, qualifiés quant à eux par certains, de normo-pensants.
C’est avec ce type de pensée dichotomique que l’homme blanc européen a colonisé le monde, s’imposant comme LA référence!

De telles théories devraient être bien obsolètes… Mais le grand public est malheureusement loin de connaître l’ampleur du développement de la psychologie, Erickson et le Mental Research Institute de Palo Alto, ayant depuis lors introduit une notion constructiviste dans leur approche. Celle-ci semble pourtant toujours tellement avant-gardiste !
Il aura fallu attendre le milieu du siècle précédant et la fin de la guerre pour se libérer de ces visions normatives et primitives de la pensée.

Sommes-nous cependant tous prêts à changer d’angle de vue en ouvrant les yeux sur ces croyances infondées qui nous emprisonnent?
Il est nombre de gens qui « préfèrent des mensonges qui les rassurent aux vérités qui les dérangent » (Michel Onfray).

Nous sommes tous différents! Et c’est dans la confrontation à cette différence, par de multiples ajustements, que nous évoluons et que les changements s’opèrent…

Mode d’emploi pour détourner la notion de haut potentiel et créer un neuromythe qui rapporte

1. Inventer une pathologie en énonçant que le HP est un fonctionnement qualitativement différent qui n’amène que des difficultés et des échecs.

2. Décrire des traits spécifiques, des caractéristiques qualitatives distinctives, qui le définissent, en prenant des caractéristiques qui font que tout le monde s’y reconnaît, et se faisant, créer une demande pour alimenter son affaire.

3. Valider ses dires par des témoignages et des interprétations fausses d’études scientifiques ou par des études pour lesquelles il y a un biais d’échantillon.

4. Décourager les gens à se confronter aux faits réels (par une évaluation intellectuelle) pour ne pas que ceux-ci se rendent compte de la supercherie ou carrément discréditer ces tests.

5. Faire croire qu’on est les seuls à pouvoir les comprendre et les soigner.

6. Diffuser cela en masse via les médias en se faisant passer pour des experts pour créer une croyance.

7. Surtout ne jamais reconnaître ses erreurs et persévérer dans ses dires.

8. Former des professionnels ou autres, et donner des conférences, pour entretenir cette croyance.

9. Se faire plein d’argent sur la crédulité des gens parce qu’il est bien plus confortable de se faire apposer une étiquette d’HP que de se confronter à ses réelles difficultés.

Cqfd!