Atteinte du « virus » Palo Alto

La lecture de « L’homme relationnel », un livre magnifique qui rejoint à merveille mes valeurs, fait lien avec mes réflexions et, je dirais même, donne sens à tout mon parcours, semble confirmer que c’est bien notre conscience réflexive, parasitée par nos croyances, qui concourt à notre perte.

L’expérience est première. La conscience réflexive (la capacité de savoir qu’on sait) intervient légèrement en décalage, telle un commentaire sur l’expérience. Elle l’interprète subjectivement, a posteriori.

Cette conscience qu’on sait (ou plutôt qu’on croit savoir) provient du développement de nos capacités d’abstraction, ainsi que du développement du langage, mais est aussi dépendante de notre culture occidentale imposée maintenant au reste du monde, qui définit l’homme à l’image de Dieu.

Tous les ingrédients sont là pour créer l’Égo, cette instance construite de toutes pièces nous illusionnant que nous pouvons exercer un pouvoir sur le monde, considéré comme extérieur à nous. Et c’est en poursuivant notre but conscient que les problèmes apparaissent, tant à l’échelle individuelle que sociétale.

Dès lors, les psychologues traditionnels issus des modèles psychanalytiques (mais pas que), ne résultent finalement que de l’évolution des prêtres, en se positionnant comme détenteurs de la sacro-sainte normativité et en se basant sur la recherche de LA solution!

L’homme est sur la liste des animaux en voie d’extinction. Un changement s’impose… Il s’opère par nos actes, et non par notre pensée.

La coloration HP, un concept dilué

Un diagnostic va permettre de mettre en place des mesures spécifiques : des adaptations de l’environnement et des traitements. Il est donc demandé au système de s’adapter. 

Le revers est par contre la stigmatisation (notion de « patient désigné ») : le diagnostic va induire un changement de perception que le système a de la personne, ainsi que celle que la personne a d’elle-même.

En outre, on va induire une nouvelle croyance, en partant du principe que cette croyance est plus bénéfique que la précédente. On travaille sur la vision du monde des patients et de son environnement.

Le risque est de confronter directement les croyances des personnes, ce qui aura pour conséquences de les cristalliser (ce sont les résistances), et donc de figer leur fonctionnement.

Cette manière d’analyser les fonctionnements constitue le fondement de toute la psychiatrie classique (et même au-delà), le bilan psychologique étant l’outil qui permettra de comprendre comment la personne fonctionne, et surtout, dysfonctionne. Cela part du principe que les comportements sont fixes, du fait qu’ils découlent de traits de personnalité.

Identifier un HP chez des gens, même si on dilue sa prise de position théorique par des termes tels que « le HP colore des troubles associés », va nécessairement dans le sens d’un diagnostic. Cela revient à « faire rentrer par la fenêtre, le diable qu’on a fait sortir par la porte ».

Alors que d’autres approches, telles que celle d’Erickson et du modèle de Palo Alto, qui travaillent directement sur les comportements en ne se positionnant jamais par rapport à leur vision du monde, seront beaucoup plus porteur de changement. Le thérapeute ne cherchera pas à induire de nouvelles croyances (avoir raison), puisque la norme n’existe pas (notion de constructivisme: chacun a une vision du monde qui lui est propre).

Ce type d’approche sous-tend que les comportements ne sont pas fixes et dépendent de la situation dans laquelle la personne se trouve, du contexte.

On proposera un nouveau mode de fonctionnement par l’expérimentation de nouveaux comportements, qui vont directement découler de la manière dont la personne va amener son problème et des comportements qu’elle met habituellement en place pour solutionner son problème. Ce nouveau comportement est l’expérience émotionnelle correctrice. Elle peut être réalisée en séance, par un recadrage, ou hors séance, par des tâches.

Les hautes capacités intellectuelles deviennent alors une ressource au service du changement.

Le HP en mode psychanalytique

Suite à ma formation en thérapie systémique et stratégique à l’Institut Gregory Bateson, je comprends mieux les différences entre les courants de la psychologie clinique et j’en mesure plus précisément leur portée. Cette lumière m’apporte une nouvelle perspective sur le combat à l’œuvre dans le domaine du haut potentiel intellectuel.

Révoltée par les mythes propagés à outrance sur le sujet, je suis maintenant plus « sereine » de constater que les pseudo-vérités énoncées par les livres grands public ont été construites sur le même principe que la psychanalyse: les auteurs prenant simplement racine dans cette vision du monde qui est la leur.

En effet, basées sur des interprétations hypothétiques de cas cliniques (c’est-à-dire leur patientèle), ces croyances sur le HP ont été, sans aucune validation scientifique, généralisées en théorie, avec des traits de personnalité immuables au devant de la scène. Se basant sur un modèle normatif, ces traits qualitatifs inférés forment une étiquette (un diagnostic) avec un mode de fonctionnement distinct. Et, bien sûr, seul un expert (le psychanalyste) est garant du normal et du pathologique, et peut donc déterminer si son patient en fait partie ou s’il ressort plutôt des autres, qualifiés quant à eux par certains, de normo-pensants.
C’est avec ce type de pensée dichotomique que l’homme blanc européen a colonisé le monde, s’imposant comme LA référence!

De telles théories devraient être bien obsolètes… Mais le grand public est malheureusement loin de connaître l’ampleur du développement de la psychologie, Erickson et le Mental Research Institute de Palo Alto, ayant depuis lors introduit une notion constructiviste dans leur approche. Celle-ci semble pourtant toujours tellement avant-gardiste !
Il aura fallu attendre le milieu du siècle précédant et la fin de la guerre pour se libérer de ces visions normatives et primitives de la pensée.

Sommes-nous cependant tous prêts à changer d’angle de vue en ouvrant les yeux sur ces croyances infondées qui nous emprisonnent?
Il est nombre de gens qui « préfèrent des mensonges qui les rassurent aux vérités qui les dérangent » (Michel Onfray).

Nous sommes tous différents! Et c’est dans la confrontation à cette différence, par de multiples ajustements, que nous évoluons et que les changements s’opèrent…